Saturday 11 May 2019

Tentes Rouges


Wyntergreene Vol. 1• Imbolc 2019

Au cours de l’histoire, les femmes ont toujours eu un moment au cours du mois pour se retirer entre elles pendant quelques jours, lors de leurs menstruations. Si la tente a eu plusieurs fonctions au cours des âges, c’est principalement son évolution et histoire que je vous présente ainsi que l’impact qu’ont eu dans ma vie les tentes rouges. 

Il est généralement accepté que les tentes rouges ont toujours existées, sous une forme ou une autre à travers le temps et l’espace. Les dernières traces connues de la tenue des tentes rouges, pour la société occidentale, semblent s’arrêter avec les balbutiements du christianisme, alors que les traditions féminines avaient encore du poids. Ainsi, une fois par mois, possiblement lors de la lune noire, les femmes d’une même tribu ou village se retrouvaient entre elles dans un même lieu, la tente rouge, lorsqu’elles étaient menstruées. Tel était le but originel de la tente rouge : fournir un espace de retrait, support et repos aux femmes pendant leurs lunes. La tente servait également de lieu d’enseignement et de transmission des savoirs traditionnels féminins, que ce soit à propos des enfants, des soins courants ou encore des relations conjugales. 

Avec la montée du christianisme et la dissociation avec toute chose associée au corps qui a suivi, ce ne fut pas très long avant que les menstruations deviennent un phénomène indésirable et impur. Au fil du temps, les menstruations devinrent donc un état a caché, indésirable et « sales », puis finalement tabou (encore aujourd’hui, discuter de ses règles ou de menstruations en public peut rendre l’entourage inconfortable). Parallèlement, les sociétés amérindiennes maintenaient cette tradition du retrait en place avec les moonlodges.
 
Si le retrait de la vie quotidienne est une tradition qui survie toujours aujourd’hui, pour de nombreuses communautés, ce moment a perdu le sens sacré qu’il a déjà possédé et sert surtout à justifier un retrait des femmes à participer activement à la vie de leur communauté, et les éloigner de certaines fonctions de pouvoir, religieux ou profane. À ce titre, plusieurs femmes en paie encore aujourd’hui  le prix, les préjugés entourant les règles menant occasionnellement au décès de certaines femmes en raison des conditions atroces de leur retrait. 

C’est à partir des années soixante, en Amérique du Nord,  qu’un changement s’est opéré dans les perceptions de ce que sont les tentes rouges et les moonlodges pour une raison plutôt simple : les femmes ayant maintenant accès à l’éducation supérieur et pouvant mener elles-mêmes leurs recherches ont aussi eu accès à ces tentes et ainsi permettre une résurgence de cette pratique en plus d’y apporter un éclairage positif. Et ce qui est peut-être de plus grand intérêt pour la communauté païenne, c’est que le regain de popularité qu’on connut les tentes rouges soient associés en grande partie à l’émergence d’une spiritualité associée à la Déesse et centrée sur le Féminin, pratique qui offre également des rites qui respectent tant le corps de la femme que ses rythmes. Cette spiritualité permet également aux femmes de célébrer des rituels qui respectent leurs vécus et parcours, que ce soit en soulignant la perte d’un enfant que la fin des lunes. 

Il est aussi intéressant de noter que le roman publié par Anita Diamant en 1993, La Tente rouge (ou sous son nom original en français, La Fille de Jacob) a permis de ramener dans l’imaginaire des femmes un lieu qui offre la même richesse, que ce soit par les liens qui unissent les femmes, ou la richesse du décor, tel que décrit dans le roman. De nombreuses tentes ont jailli par la suite, au point de devenir un phénomène mondial et qu’un documentaire sur le sujet soit réalisé, The things we don’t talk about [www.redtentmovie.com].

Les tentes rouges ont évolué et ne sont plus seulement qu’un endroit où se réunir lorsque les femmes ont leurs lunes. La première tente à laquelle j’ai assisté s’est tenu il y a plus de cinq ans chez Charmes et Sortilèges lorsqu’ils ont célébré leur dixième anniversaire. À la fin de la tente, j’ai ressenti un magnifique frisson me parcourir, en nous tenant par la main; j’ai ressenti la puissance du féminin, la force (méconnue, sûrement) des femmes et c’est devenu ma motivation. La tente fut un magnifique moment de partage et de découverte, et je me suis littéralement sentie happée par cette tradition…  À mon tour, alors, d’offrir aux femmes un endroit comme celui-là, un endroit où elles pourront être elles-mêmes, et partager sans crainte et contrainte sociale. 

Il m’a fallu un an avant de mettre sur pied ma première tente, mais ce fut une expérience franchement enrichissante et m’a donné la conviction que je faisais le bon choix. Aujourd’hui, j’en suis à ma quatrième année d’animation de tentes rouges, et depuis deux ans, j’ai commencé à animer des tentes roses, destinées aux jeunes filles de 10 à 16 ans. 

Si les tentes rouges prennent différentes formes, et que plusieurs au Québec se tiennent dans un cadre associé à la périnatalité, j’offre principalement un espace aux femmes pour être elles-mêmes et partager leur succès, embûches ou simplement leur quotidien. En plus des partages, nous prenons une partie de la rencontre pour une activité soit liée à l’art-thérapie, une méditation guidée ou cérémonies en lien avec un thème déterminé.  

Une autre particularité de la tente est que nous prenons un moment, lors de l’ouverture, pour rendre hommage à nos ancêtres maternelles, en les nommant. Si l’exercice semble simple, comme ça, je vous invite à le faire : nommez votre « lignée » maternelle, en commençant par votre mère, votre grand-mère maternelle, etc. Alors? Jusqu’à qui avez-vous nommé? En toute honnêteté, je ne me rends pas plus loin que mon arrière-grand-mère… 

Ultimement, les tentes m’ont surtout permis de créer une communauté de femmes franchement fantastiques, et qui se supportent l’une et l’autre, à travers le meilleur, le pire et le banal. Et le plus magnifique? C’est qu’elles aussi découvrent, lentement mais sûrement, la puissance du Féminin. 


par: Marie-Anne Poulin
Je suis massothérapeute certifiée depuis 2014,  et m’intéresse à la santé sous toutes ses formes depuis plus de vingt ans. C’est tout naturellement que j’ai incorporé à ma pratique professionnelle les tentes rouges, en vigueur depuis plus de 4 maintenant.

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