Wyntergreene Vol. 1• Imbolc
2019
Au cours
de l’histoire, les femmes ont toujours eu un moment au cours du mois pour se
retirer entre elles pendant quelques jours, lors de leurs menstruations. Si la
tente a eu plusieurs fonctions au cours des âges, c’est principalement son
évolution et histoire que je vous présente ainsi que l’impact qu’ont eu dans ma
vie les tentes rouges.
Il est
généralement accepté que les tentes rouges ont toujours existées, sous une
forme ou une autre à travers le temps et l’espace. Les dernières traces connues
de la tenue des tentes rouges, pour la société occidentale, semblent s’arrêter
avec les balbutiements du christianisme, alors que les traditions féminines
avaient encore du poids. Ainsi, une fois par mois, possiblement lors de la lune
noire, les femmes d’une même tribu ou village se retrouvaient entre elles dans
un même lieu, la tente rouge, lorsqu’elles étaient menstruées. Tel était le but
originel de la tente rouge : fournir un espace de retrait, support et
repos aux femmes pendant leurs lunes. La tente servait également de lieu
d’enseignement et de transmission des savoirs traditionnels féminins, que ce
soit à propos des enfants, des soins courants ou encore des relations
conjugales.
Avec la
montée du christianisme et la dissociation avec toute chose associée au corps
qui a suivi, ce ne fut pas très long avant que les menstruations deviennent un
phénomène indésirable et impur. Au fil du temps, les menstruations devinrent
donc un état a caché, indésirable et « sales », puis finalement tabou
(encore aujourd’hui, discuter de ses règles ou de menstruations en public peut
rendre l’entourage inconfortable). Parallèlement, les sociétés amérindiennes
maintenaient cette tradition du retrait en place avec les moonlodges.
Si le retrait
de la vie quotidienne est une tradition qui survie toujours aujourd’hui, pour
de nombreuses communautés, ce moment a perdu le sens sacré qu’il a déjà possédé
et sert surtout à justifier un retrait des femmes à participer activement à la
vie de leur communauté, et les éloigner de certaines fonctions de pouvoir,
religieux ou profane. À ce titre, plusieurs femmes en paie encore aujourd’hui le prix, les préjugés entourant les règles
menant occasionnellement au décès de certaines femmes en raison des conditions
atroces de leur retrait.
C’est à
partir des années soixante, en Amérique du Nord, qu’un changement s’est opéré dans les
perceptions de ce que sont les tentes rouges et les moonlodges pour une raison plutôt simple : les femmes ayant
maintenant accès à l’éducation supérieur et pouvant mener elles-mêmes leurs
recherches ont aussi eu accès à ces tentes et ainsi permettre une résurgence de
cette pratique en plus d’y apporter un éclairage positif. Et ce qui est
peut-être de plus grand intérêt pour la communauté païenne, c’est que le regain
de popularité qu’on connut les tentes rouges soient associés en grande partie à
l’émergence d’une spiritualité associée à la Déesse et centrée sur le Féminin,
pratique qui offre également des rites qui respectent tant le corps de la femme
que ses rythmes. Cette spiritualité permet également aux femmes de célébrer des
rituels qui respectent leurs vécus et parcours, que ce soit en soulignant la
perte d’un enfant que la fin des lunes.
Il est
aussi intéressant de noter que le roman publié par Anita Diamant en 1993, La Tente rouge (ou sous son nom original
en français, La Fille de Jacob) a permis de ramener dans l’imaginaire des
femmes un lieu qui offre la même richesse, que ce soit par les liens qui
unissent les femmes, ou la richesse du décor, tel que décrit dans le roman. De
nombreuses tentes ont jailli par la suite, au point de devenir un phénomène
mondial et qu’un documentaire sur le sujet soit réalisé, The things we don’t talk about [www.redtentmovie.com].
Les
tentes rouges ont évolué et ne sont plus seulement qu’un endroit où se réunir
lorsque les femmes ont leurs lunes. La première tente à laquelle j’ai assisté
s’est tenu il y a plus de cinq ans chez Charmes et Sortilèges lorsqu’ils ont célébré
leur dixième anniversaire. À la fin de la tente, j’ai ressenti un magnifique
frisson me parcourir, en nous tenant par la main; j’ai ressenti la
puissance du féminin, la force (méconnue, sûrement) des femmes et c’est devenu
ma motivation. La tente fut un magnifique moment de partage et de découverte,
et je me suis littéralement sentie happée par cette tradition… À mon tour, alors, d’offrir aux femmes un
endroit comme celui-là, un endroit où elles pourront être elles-mêmes, et
partager sans crainte et contrainte sociale.
Il m’a
fallu un an avant de mettre sur pied ma première tente, mais ce fut une
expérience franchement enrichissante et m’a donné la conviction que je faisais
le bon choix. Aujourd’hui, j’en suis à ma quatrième année d’animation de tentes
rouges, et depuis deux ans, j’ai commencé à animer des tentes roses, destinées
aux jeunes filles de 10 à 16 ans.
Si les
tentes rouges prennent différentes formes, et que plusieurs au Québec se
tiennent dans un cadre associé à la périnatalité, j’offre principalement un
espace aux femmes pour être elles-mêmes et partager leur succès, embûches ou
simplement leur quotidien. En plus des partages, nous prenons une partie de la
rencontre pour une activité soit liée à l’art-thérapie, une méditation guidée
ou cérémonies en lien avec un thème déterminé.
Une autre
particularité de la tente est que nous prenons un moment, lors de l’ouverture,
pour rendre hommage à nos ancêtres maternelles, en les nommant. Si l’exercice
semble simple, comme ça, je vous invite à le faire : nommez votre
« lignée » maternelle, en commençant par votre mère, votre grand-mère
maternelle, etc. Alors? Jusqu’à qui avez-vous nommé? En toute honnêteté, je ne
me rends pas plus loin que mon arrière-grand-mère…
Ultimement,
les tentes m’ont surtout permis de créer une communauté de femmes franchement
fantastiques, et qui se supportent l’une et l’autre, à travers le meilleur, le
pire et le banal. Et le plus magnifique? C’est qu’elles aussi découvrent,
lentement mais sûrement, la puissance du Féminin.
par: Marie-Anne
Poulin
Je suis
massothérapeute certifiée depuis 2014,
et m’intéresse à la santé sous toutes ses formes depuis plus de vingt
ans. C’est tout naturellement que j’ai incorporé à ma pratique professionnelle
les tentes rouges, en vigueur depuis plus de 4 maintenant.